Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/319

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Plus rien sous les yeux que deux voitures qui attendent, et le buste de Minerve en faction. Protége-moi, déesse ! là-haut commence l’appel nominal et l’interrogatoire, chaque académicien devant affirmer au directeur que sa voix n’est pas engagée. Simple formalité, comme tu penses, à laquelle on répond d’un sourire négatif, d’un petit dodelinage de magot de la Chine.

***

Quelque chose d’inouï. Je venais de donner ma dépêche à Corentine, et je respirais à la fenêtre, essayant de lire, dans la sombre façade vis-à-vis, le secret de ma destinée, quand j’aperçois, à la croisée voisine de la mienne, Huchenard prenant le frais aussi, me touchant presque… Huchenard, mon concurrent, le pire ennemi d’Astier-Réhu, installé dans son cabinet !… Aussi saisis l’un que l’autre, nous nous sommes salués, puis retirés d’un même mouvement… Mais il est là, je l’entends, je le sens derrière cette cloison. Bien sûr il attend comme moi la décision de l’Académie, seulement au large de l’ancien salon Villemain, tandis que j’étouffe dans ce trou encombré de vieux papiers. Maintenant, je m’explique le désarroi de mon arrivée… mais, pourquoi ? Comment se fait-il ? Chère sœur, ma tête s’égare. De qui se moque-t-on, ici ?