Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/341

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J’entre en relations avec Astier-Réhu. — L’encre mystérieuse. — Défi aux chimistes de l’Institut… »

Il restait surtout de cette lecture l’effarement que le secrétaire perpétuel de l’Académie française, la science et la littérature officielles, se fussent laissé duper, deux ou trois ans de suite, par cette ignorante cervelle d’infirme bourrée de détritus de bibliothèque, de rognures de livres mal digérées ; là était l’énorme drôlerie de l’affaire et la cause de cette affluence. On venait voir l’Académie sur la sellette en la personne d’Astier-Réhu que tous les regards cherchaient au premier rang des témoins, immobile, absorbé, répondant à peine et sans tourner la tête aux plates adulations de Freydet debout derrière lui, ganté de noir, un grand crêpe au chapeau, dans le deuil tout récent de sa sœur. Cité par la défense, le bon candidat craignait que cela lui fit du tort dans l’esprit de son maître, et il s’excusait, expliquait comment il avait rencontré ce misérable Fage chez Védrine ; mais son chuchotement se perdait dans le bruit de la salle et le ronron du tribunal appelant, expédiant les causes, le monotone : « À huitaine… à huitaine… » tombant comme un éclair de guillotine, coupant court aux réclamations des avocats, à la plainte suppliante de pauvres diables, rouges, s’épongeant le front devant la barre : « Mais, monsieur le président…