Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/115

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Après avoir lu cette lettre, Savary manda le chirurgien Petit et l’interrogea. Celui-ci ne put que raconter ce qu’il avait raconté déjà à Mme  Clément de Ris. Son récit confirma et compléta les détails donnés par le postillon. « Après le départ de ce dernier, les brigands se sont jetés dans la forêt de Loches. Mais comme ils avaient pris la précaution de mettre un bandeau sur les yeux des deux prisonniers, le chirurgien ignore quelle route a été suivie. Il ne sait qu’une chose, c’est que dans la nuit, sous une pluie battante, on a fait un long trajet, toujours au grand trot ; qu’à plusieurs reprises il a entendu les brigands pester et jurer, parce qu’ils s’étaient égarés. Il a compris qu’ils allaient frapper à des maisons de paysans pour se faire indiquer leur chemin. Il se souvient aussi que, durant cette course précipitée, M. Clément de Ris a perdu son chapeau, un chapeau rond, haute forme, avec une étroite ganse noire, une boucle d’acier et la cocarde tricolore. Malgré ses réclamations, les brigands ont refusé de faire halte pour le ramasser. Enfin, on s’est arrêté. Tout le monde a mis pied à terre. Le chirurgien a été pris par le bras et on l’a invité à marcher. Au bout de quelques instants, on lui a fait descendre trois marches et il lui a été permis d’ôter son bandeau. C’est alors seulement qu’il a reconnu dans son compagnon d’infortune M. Clément de Ris. Ils se trouvaient dans un caveau étroit et long. Cinq des brigands s’étaient éloignés. Le sixième, resté là pour garder les prisonniers, avait la tête couverte d’un voile noir. Comme ils se plaignaient de tomber d’inanition, il leur a apporté les débris d’un jambon, des artichauts cuits, un melon et plusieurs bouteilles de vin. Il les a ensuite laissés seuls dans ce cachot abject, si bas de plafond que lorsque la trappe était abaissée, ils ne pouvaient se tenir debout. Ils n’ont eu d’autre lit qu’une