Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/143

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Sans doute, l’insurrection vendéenne venait de prendre fin. Réduits à l’impuissance et sur la foi des traités qui leur accordaient amnistie pleine et entière, les révoltés, pour la plupart, déposaient les armes, rentraient dans leurs foyers en promettant d’y vivre, désormais, paisibles et soumis aux lois. Mais d’autres avaient refusé de souscrire aux engagements qu’on voulait leur imposer. Ils tenaient la campagne, venaient jusqu’aux portes de Quimper, formés en bandes isolées, qui se grossissaient peu à peu de tous ceux que le regret d’avoir promis de ne plus combattre attirait hors de leur retraite.

Ces bandes opéraient contre les anciens terroristes et les acquéreurs de biens nationaux. L’une d’elles, la plus redoutable, commandée par un jeune habitant de Quimper, Charles-François Le Cat, dit la Volonté, originaire d’Audierne, âgé de vingt-quatre ans et se qualifiant d’écrivain, était devenue en quelques semaines l’effroi du pays. À Stréraou, à Rosporden, à Saint-Thois, à Lamotte, ailleurs encore, chez les percepteurs, chez les notaires, chez de riches cultivateurs, elle avait signalé son passage par des vols avec effraction et des sévices contre les personnes.

Au moment de se mettre en route, Audrein évoquait-il par la pensée le sort qui l’attendait s’il tombait aux mains des hommes terribles dont se composait la bande de Le Cat ? Il est permis de le croire, à en juger par l’angoisse qui lui serrait le cœur et par la résolution qu’il avait prise de partir seul, la nuit, par la voiture publique, où, sans doute, ceux qu’il redoutait ne s’aviseraient pas de l’aller chercher. Il se savait détesté. Depuis plusieurs jours, sous des formes diverses, des menaces sinistres étaient arrivées jusqu’à lui. Des ordures avaient été déposées dans son église cathédrale avec le dessein avoué de lui faire injure. Il était ouvertement