Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/157

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cette mystérieuse affaire, se décida à expédier à Paris le trop récalcitrant abbé. Peut-être ce dernier ne demandait-il pas mieux que d’arriver jusqu’à Réal, qui dirigeait, sous les ordres de Fouché, une partie de la police de l’Empire. L’attitude qu’il prit en présence de ce haut fonctionnaire permet de le supposer. Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que Gogué fut laissé en liberté. Il avait été interrogé lui aussi. Aux questions du sous-préfet, il se borna à répondre qu’en achetant des plombs, il opérait pour le compte d’un négociant de La Rochelle. Mais il négligea de le nommer. Le sous-préfet s’était contenté de cette réponse. Réal ne s’en contenta pas. Il avait vu l’abbé Jacqueneau, causé avec lui, et, volontairement ou non, celui-ci s’était laissé arracher les confidences les plus graves pour Gogué.

En réalité, Gogué conspirait. Le commerce de plombs auquel il semblait se livrer n’était qu’un prétexte. Il conspirait pour les Bourbons avec Bertrand-Saint-Hubert, Turpault, Daniaud-Duperrat et toute une bande d’anciens chouans. Le négociant de La Rochelle, dont il avait parlé au sous-préfet de Montaigu, était leur complice. Il se nommait Orion de la Floullière. Comme Gogué, comme les autres, c’était un agent de l’Angleterre. Le métier devait rapporter gros, puisque Gogué qui vivait naguère misérable, n’ayant pas à lui vingt-cinq louis, avait passé subitement à un état d’aisance et venait de placer vingt-cinq mille francs. Quant au plomb accumulé dans les divers dépôts découverts, il était destiné à faire des balles.

La gravité de ces révélations mettait en lumière la légèreté de conduite du sous-préfet de Montaigu. Une verte semonce lui fut adressée avec l’ordre de se saisir de Gogué : « J’espère que vous allez réparer cet oubli de vos devoirs. » Le préfet de la Vendée reçut également