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Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/182

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il circulait audacieusement dans les rues : « cravate de couleur, habit neuf, bleu, boutons jaunes, gilet noir, bottes. » Il est douteux qu’il eût conservé cette tenue élégante, conforme aux modes de l’époque. Probablement, il en avait adopté une autre plus appropriée à l’existence de bandit qu’il menait maintenant. Il y avait tout au moins ajouté des armes.

Les rapports qui parvenaient à la police le représentaient armé jusqu’aux dents : fusil, pistolets et poignards, toujours sur la défensive et prêt à tuer qui eût osé porter la main sur lui. Rien de plus vrai. Il vivait en nomade, appliqué à ne pas se laisser surprendre et à dépister les gendarmes lancés à sa poursuite. Durant longtemps, ils ne parvinrent pas à le rencontrer une seule fois. Quand on leur signalait sa présence en quelque endroit, ils se hâtaient d’y courir. Mais lorsqu’ils arrivaient, il venait de disparaître, de telle sorte qu’à force de faire buisson creux ils en étaient réduits à se demander si, en leur annonçant son retour en Bretagne, on ne les avait pas trompés. Il allait bientôt leur prouver le contraire par un des plus audacieux brigandages dont fasse mention l’histoire de la chouannerie.

En cette année 1806 et depuis le Concordat, Mgr Antoine-Xavier Mayneaud de Pancemont occupait le siège épiscopal de Vannes. Curé de Saint-Sulpice de Paris à la fin du règne de Louis XVI et au commencement de la Révolution, l’abbé de Pancemont avait vécu caché pendant la Terreur. En 1793 et 1794 il résidait à Croissy, chez un prêtre marié, ancien curé de ce village, devenu maire et qui cherchait à se faire pardonner son apostasie par la multiplicité des services qu’il rendait à quiconque avait recours à lui. L’abbé de Pancemont, fugitif et proscrit, se trouvait encore à Croissy quand M. Pasquier vint s’y réfugier. « J’ai connu peu d’hommes