Aller au contenu

Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans le drame que j’ai entrepris de reconstituer et dont il fut l’acteur principal.

Avec les hommes qu’il avait gardés à ses côtés, il ne tarda pas à devenir, en même temps que l’effroi du pays, le symbole vivant des revendications plus ou moins ardentes des royalistes et le dépositaire de leurs espérances. Il se fit l’organe et le propagateur de leurs griefs contre Mgr de Pancemont, le colporteur des calomnies les plus absurdes et des propos les plus violents, non seulement sur l’évêque, mais encore sur le Pape.

Avec ses complices, il se présentait chez les paysans. En y entrant, il s’annonçait comme chargé d’une mission divine, comme le défenseur des droits méconnus de Mgr Amelot. Après s’être abîmés en de longues prières, ses compagnons et lui se livraient aux diatribes les plus violentes contre le Concordat, qu’ils qualifiaient œuvre d’iniquité, contre le Pape, qui y avait adhéré, contre l’Empereur, qu’à la grande surprise des paysans, ils appelaient Nabuchodonosor, Attila, Tamerlan, étourdissant, par ces noms sonores, leurs auditeurs qui n’en comprenaient pas le sens, et allaient ensuite demander à leur confesseur ce que signifiaient « ces noms-là ».

À la faveur de cette campagne dont les échos arrivaient jusqu’à lui, Mgr Pancemont ne tarda pas à se sentir menacé. Il en conçut un assez vif effroi. Partout, autour de sa personne, il voyait monter une malveillance âpre et railleuse dont il n’était pas difficile de deviner l’origine. C’était l’action de La Haye Saint-Hilaire qui s’étendait peu à peu, se traduisait par des propos frondeurs et injurieux. La contagion attaquait le clergé lui-même, parmi lequel existaient des ferments de révolte. Certains prêtres disaient tout haut :

– Il nous faut un roi et un autre évêque.

Mgr de Pancemont annonçait-il qu’il partirait bientôt en tournée