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Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/206

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comptes de Rouen. Elle habitait tantôt le château de Donnai, entre Caen et Falaise, non loin d’Harcourt, tantôt celui de Tournebut, aux portes de Gaillon, dans le département de l’Eure.

Quand elle résidait à Donnai, elle y retrouvait sa fille, Rosalie de Combray, mariée au baron Aquet de Férolles et séparée de lui à la suite de procès retentissants, qui duraient encore à cette époque. Fine de traits et frêle de corps, Mme Aquet de Férolles était en brune ce que la marquise de Vaubadon était en blonde. Dans la délicate sveltesse de ses formes, avec ses cheveux noirs, sa peau très blanche, ses yeux caressants, elle possédait, à défaut de la pureté des lignes, qui caractérise la beauté classique, tous les attraits qui peuvent y suppléer.

Après avoir quitté son mari, elle était venue s’installer dans le pavillon de la Bijude, attenant au château de Donnai. Elle y vivait avec ses enfants, deux filles encore en bas âge qui ne la quittaient que pour aller voir leur père établi lui-même dans le voisinage, en attendant la fin des procès que lui avait intentés sa femme à l’effet de recouvrer sa dot. Le bruit courait dans le pays, non sans raison, que la solitude où semblait se plaire Mme Aquet de Férolles était plus apparente que réelle, et qu’un ancien chouan, jeune et beau, venait assidûment l’égayer.

Il se nommait Armand Le Chevallier. Quoique fils d’un homme rallié à la Révolution, il s’était jeté à seize ans dans la chouannerie normande, avait pris part à maints combats, et avait même été grièvement blessé au bras. Héritier d’une fortune assez considérable, veuf à vingt-deux ans, il avait eu bourse ouverte pour tous ses anciens compagnons d’armes. Un dévouement absolu à ses amis paraît avoir toujours été le mobile de