Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/205

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charmes. Il fut payé de retour, et durant plusieurs mois, la retraite qu’il avait trouvée chez la marquise de Vaubadon s’embellit de toutes les ivresses de l’amour heureux. Un jour, cependant, l’inconstante créature se lassa de son bonheur. La liaison se rompit, sans bruit, sans éclat, sans brouille même. L’amant déçu alla chercher refuge ailleurs, bien loin de se douter que la femme sur laquelle, encore qu’elle eût cessé de l’aimer, il croyait pouvoir compter toujours comme sur une amie, serait l’instrument de sa perte.

Il passa quelque temps à Caen, chez une mercière, encore une veuve, la veuve Amfrie. Mais celle-ci n’était plus jeune et n’avait jamais été belle. Et puis, il eut vite fait de constater que l’asile ne lui offrait ni commodité ni sûreté. Il en chercha un autre et le trouva au hameau de Trévières, non loin de Bayeux, chez un M. de Montfiquet qui lui-même, en d’autres temps, poursuivi par la police, avait été sauvé par la vicomtesse d’Aché.

M. de Montfiquet était un excellent homme, dépourvu de mérites transcendants, assez entrepris dans l’exercice de ses droits de chef de famille. Il avait laissé l’autorité de sa femme, une maîtresse femme, se substituer à la sienne. C’est elle qui attira d’Aché, se chargea de le soustraire à toutes les recherches. Une des filles de la maison, Henriette, se prit de passion pour le proscrit. Laide, contrefaite et sage, son amour ne se traduisit que par un dévouement exalté dont le vicomte d’Aché en plus d’une circonstance sut tirer parti pour la cause du roi.

Chez les Montfiquet, venait fréquemment une noble et vieille dame de soixante-sept ans, la marquise Hély de Combray de Bonneuil, veuve depuis longtemps, fille de feu M. de Brunelle, ancien président de la chambre des