Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/211

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Outre qu’il s’y trouvait plus à portée qu’ailleurs d’entretenir ses relations avec Londres, c’est encore là qu’il courait le moins de risques. Plusieurs asiles lui étaient assurés, et le plus inviolable de tous, le château de Donnai, appartenant à la marquise de Combray.

La vieillesse n’avait point éteint chez la marquise l’exaltation du royalisme dont, sous la Terreur et depuis, elle s’était incessamment appliquée à répandre autour d’elle les témoignages. Sous ses cheveux blancs, elle conservait toutes les ardeurs de sa foi. Elle persistait à croire au prochain retour des Bourbons. Cette armée anglo-russe, dont le vicomte d’Aché lui avait annoncé l’arrivée imminente, elle l’attendait. Elle se flattait de l’espoir que le roi de France, en marche vers Paris, s’arrêterait au château de Tournebut, qui se trouvait sur sa route. Elle se faisait une fête de l’y recevoir.

En prévision de son débarquement, elle aménageait l’antique demeure, jadis propriété du maréchal de Marillac, à l’effet de la rendre digne du souverain, s’il daignait y séjourner. La chambre de Sa Majesté était prête. Prêtes aussi les cuisines pour préparer ses repas, les écuries et les remises pour abriter ses équipages, voire des cachettes pratiquées dans les combles et dans les caves pour mettre la personne royale en sûreté, si par aventure il arrivait qu’elle fût en péril.

En attendant, ces cachettes étaient affectées aux proscrits qui, de temps à autre, venaient chercher asile à Tournebut, et qu’on y recevait comme les soldats de la future insurrection. Le fils de la marquise de Bonneuil, un jeune homme d’allures et de mœurs excentriques, y avait établi une imprimerie destinée à tirer, à un grand nombre d’exemplaires, les proclamations de Louis XVIII, les typographes de Caen ayant refusé d’exécuter ce travail. Tout son temps, que sa mère fût