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Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/220

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Révérend, médecin dans la même ville, un propriétaire du nom de Courmaceuil, s’entendirent à l’effet de leur fournir des armes, fusils, sabres, pistolets, voire une hache pour ouvrir les caisses qui contenaient l’argent. Les frères Joseph et Pierre Buquet, cordonniers à Donnai, s’étaient offerts pour recéler le fruit du vol et s’en constituer les gardiens jusqu’au moment où on pourrait l’affecter aux usages auxquels on le destinait.

Figure aussi parmi les coupables de la première heure Léonie Pons, dite Dupont, couturière à Falaise, fréquemment employée par Mme Aquet de Férolles et qui, plusieurs jours de suite, sur sa demande, porta des vivres à ceux des compagnons d’Antonio qu’on avait cachés à Donnai. Enfin, un garçon d’écurie de l’hôtel du Point-de-France, à Argentan, Gauthier dit Boismale, avait promis à Le Chevallier d’avertir Antonio du jour où arriverait dans cette ville la recette d’Alençon et de l’heure où elle partirait pour Caen.

Ainsi, toutes les mesures étaient si bien prises, combinées avec tant de prudence et d’habileté que, quelque aventureuse que fût l’expédition, rien ne semblait devoir en compromettre le succès, rien si ce n’est une trahison toujours à craindre alors que vingt personnes se trouvent en possession du même secret et sont, pour la plupart, de pauvres diables sans sou ni maille ou des brigands de grand chemin. La préfecture du Calvados eût payé cher, à cette heure, une dénonciation qui, en lui révélant des périls qu’elle ne soupçonnait même pas lui eût permis d’en saisir en flagrant délit les organisateurs. Mais le secret fut rigoureusement gardé. Caffarelli, préfet de Caen, continua à ne pas se douter qu’à quelques pas de son hôtel, dans la maison d’Armand Le Chevallier, s’ourdissait un complot destiné au dénouement le plus retentissant et le plus tragique.