Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aurait que la déportation ou une détention pour le corriger. » Voilà certes un beau trait d’affection familiale.

Il en est d’autres qui, pour être d’un genre différent, n’éclairent pas d’une lumière moins vive les mœurs et la démoralisation de ce personnel de conspirateurs et de chouans, déshabitués de toute discipline et de toute probité par douze années de vie aventureuse. Parmi les gens dénoncés et poursuivis, figurait aussi Bureau de Placène. Le trésorier de la caisse royaliste habitait Caen, sans profession avouée, sans qu’on pût savoir de quoi il vivait. La police se transporta chez lui. Il était absent. Elle emmena sa femme et l’expédia à Paris. Bureau de Placène trouvant, à son retour, sa demeure vide, se mit en route pour aller réclamer la captive et vint assez sottement se faire prendre dans les antichambres de Fouché. Il se réclama du maréchal Moncey, commandant général de la gendarmerie impériale. Moncey s’entremit pour sa défense et adressa à cet effet à Fouché une lettre officielle : « Domicilié à Caen depuis l’amnistie accordée aux chouans, dont il faisait partie, Bureau de Placène m’a rendu les plus grands services pour la recherche et la découverte des complices de Georges. Il m’a donné les renseignements les plus précis sur la marche, la correspondance et les projets de ces brigands. Il promet, si Bruslart reparaît à Caen, de le livrer. »

C’étaient là des titres éclatants à la bienveillance de Fouché. Mais il n’en tint aucun compte. La complicité de Bureau de Placène était trop clairement prouvée pour laisser place à la clémence. L’ancien chouan semblait d’autant plus coupable qu’il avait trompé le gouvernement à la faveur de la confiance accordée à ses services, dont il n’avait d’ailleurs jamais cessé d’être grassement payé. Il alla grossir le nombre de détenus.