Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de le griser. Puis, elle l’entretient du procès non encore terminé qu’elle a intenté à son mari à l’effet de recouvrer sa dot. En passant, elle lui confie que c’est Aquet de Férolles qui a commis le vol et que c’est pour ce motif qu’elle est elle-même accusée d’y avoir participé, bien qu’elle soit innocente et n’ait rien à se reprocher.

– Il n’en est pas moins vrai, ajoute-t-elle, que si je tombe aux mains de la justice, je payerai pour ce misérable, faute de preuves contre lui.

Lanjalley la rassure :

– Si le procès vient à Caen, lui dit-il, les magistrats seront pour vous. Le premier président et le procureur général sont vos amis.

Cette pensée la ranime. Son accablement se dissipe. Elle redevient un moment ce qu’elle était autrefois, enjouée, rieuse, coquette. Elle accepte de s’asseoir à la table de Lanjalley, elle soupe avec lui, et comme elle ne sait où passer la nuit et qu’il n’ose la garder, il la conduit chez sa maîtresse, une jolie dentellière du faubourg de Caen, Adèle Monderard, plus connue dans la ville sous le nom de Germaine. Elle reste là, cachée durant une semaine. Chauvel et Mallet viennent l’y retrouver. Lanjalley, de son côté, ne la quitte guère. C’est, pendant quelques jours, une halte et un repos dans sa vie errante. Mais, si désintéressée que soit l’hospitalité qu’on lui donne, elle ne tarde pas à prendre peur de nouveau. Elle craint qu’à rester plus longtemps dans cet asile, elle cesse d’y être en sûreté. D’autre part, elle est lasse de toujours fuir devant des dangers toujours renaissants. Un matin, elle déclare qu’elle veut aller à Rouen pour gagner de là un pays où il lui sera plus facile de se cacher que dans le sien où trop de gens la connaissent pour que, tôt ou tard, elle ne soit pas dénoncée.