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Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/254

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monotonie d’une occupation sédentaire, les mesquines préoccupations du petit employé dans l’âme servile d’un Scapin, tous les instincts du policier le plus roué dans l’esprit le plus ingénieux et le plus inventif. M. Savoye-Rollin avait dû utiliser déjà de si merveilleuses aptitudes, puisqu’il les connaissait. Sans hésiter, et pour se tirer de l’embarras où il se trouvait, il songea à Liquet, l’appela, se confia à lui, lui donna carte blanche pour s’emparer de Mme Aquet de Férolles, et avec elle de tous les complices qui manquaient encore à l’appel. Liquet accepta la mission délicate qui lui était offerte, entra dans la place sans désemparer et dressa ses batteries, excité par l’ambition de plaire au conseiller d’État Réal, dont il admirait les talents.

Avant tout, il fallait délier la langue de Mme de Combray. Liquet se présenta dans la prison de la marquise, comme un fonctionnaire compatissant. Il se montra touché de son malheur, disposé à lui venir en aide.

– Comment, lui dit-il, on laisse une personne de votre rang et de votre âge se servir seule ! Quelle barbarie ! Dès demain, vous aurez quelqu’un auprès de vous.

Le lendemain, il lui amenait, à titre de femme de chambre, une détenue, la femme Delaistre, affectée au service de l’infirmerie. Ce nom de Delaistre équivalait à une recommandation auprès de la marquise. C’était celui d’un patron de barque de Saint-Valery-en-Caux qu’elle connaissait comme un brave homme, sur qui elle comptait et dont l’infirmière, stylée par Liquet, ne manqua pas de se dire la parente. Commencées sous ces auspices, les relations ne devaient pas tarder à devenir confiantes. La femme Delaistre se trouva bientôt l’intermédiaire naturel[sic] de la correspondance qui, grâce à elle, s’était établie entre la marquise, son fils et