Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/296

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pénétrer entièrement le mystère. Pourquoi Armand Le Chevallier fut-il jugé, condamné, exécuté huit mois avant ses complices ? Qu’avait-on à redouter de lui ? Pourquoi le fit-on juger sommairement par une commission militaire, reconnaissant ainsi le caractère politique de ses actes, alors que, dans le procès poursuivi après sa mort, on chercha à lui imputer des mobiles d’intérêt personnel ? Les témoignages qui l’accablèrent quand il n’était plus là pour se défendre furent-ils désintéressés et sincères ?

De même pour d’Aché. Pourquoi se défit-on de lui par un assassinat, alors que, grâce à Mme  de Vaubadon, on le tenait et qu’on pouvait l’envoyer en cour martiale ? À quel mobile obéit Fouché en ordonnant la mort de ces deux malheureux en des conditions si cruellement expéditives pour l’un, si odieusement criminelles pour l’autre ?

Seul il aurait pu répondre. Il ne l’a pas fait. Les dossiers sont, à cet égard, aussi muets que lui. Il est permis d’en conclure que sa conduite en cette circonstance, comme en beaucoup d’autres, fut déterminée par des motifs inavouables, qu’en marge des événements que nous avons racontés se déroule, nouée et dénouée par lui, quelqu’une de ces ténébreuses intrigues dans lesquelles il se plaisait, dont le secret fut emporté avec lui, et qui obligent à se demander si les conspirateurs dont il prépara et assura le châtiment ne furent pas écrasés sous tant d’accablantes accusations et traités avec tant d’inexorable rigueur parce qu’en d’autres temps, quand il doutait encore de la solidité du régime impérial et de sa durée, il s’était montré disposé à devenir leur complice.