Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/307

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de faire signer par le marquis. C’était là une basse et louche manœuvre. M. de Puisaye, d’abord, parut y répugner. Puis il consentit à écrire sous la dictée du préfet quelques lignes un peu différentes du projet rédigé par Réal, dont il ne voulut pas employer tous les termes. Tel qu’il était conçu, ce billet devait suffire à faire tomber Prijent dans un piège. La police, quand elle l’eut en sa possession, se crut donc au moment de réussir. Mais, comme elle venait de le recevoir, lui arrivait, par ses espions, la nouvelle du départ de Prijent pour l’Angleterre. Une fois de plus, ses efforts aboutissaient à un échec. C’était une partie à recommencer.

Il ne vint pas à la pensée de Réal, tant était grande sa confiance en ses agents, qu’ils avaient pu se tromper. Ils se trompaient cependant. Arrivé de Jersey le 20 janvier, Prijent, depuis cette époque, allait et venait en Bretagne, avec son compagnon Bouchard, que l’agence royaliste lui avait adjoint comme auxiliaire. Tous deux avaient vite reconnu l’impossibilité de provoquer dans le pays un soulèvement. Ils cherchaient en vain à repartir. N’osant se montrer, ils se cachaient avec la complicité de quelques royalistes fidèles qui, tout en refusant de les seconder, se seraient fait hacher plutôt que de les livrer. Ils couchaient tour à tour dans des châteaux, dans des chaumières, dans des ruines ou même en rase campagne, à la belle étoile, menant l’existence la plus misérable. Au mois de mai, le prince de Bouillon n’entendant plus parler d’eux envoya des émissaires à leur recherche, les nommés François Launay et Ollivier Botrel. Ceux-ci débarquèrent nuitamment à Rochebonne près Saint-Malo. Ils se mirent en quête de Prijent et de Bouchard. En dépit de leurs efforts, ils ne purent les découvrir. Ils en furent bientôt réduits à se cacher, eux aussi. Le 19 juin, à bout de ressources, exténués de