Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/326

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retirèrent du bateau les deux homme évanouis. Ils les transportèrent à la gendarmerie. Quand les naufragés purent parler, ils donnèrent les noms dont ils étaient convenus, déclarèrent que partis de Saint-Malo, ils allaient chercher des pierres à Jersey quand la tempête les avait surpris. Mais ce mensonge ne pouvait plus les sauver. Quintal avait fait des aveux, et le préfet de la Manche, mis en éveil par la police, fut convaincu que l’un des deux naufragés était Chateaubriand.

Depagne conduit à Coutances fut interrogé le premier. Il ne put ni dissiper ce soupçon ni le confirmer, puisqu’il ne connaissait son compagnon que sous le nom de John Fall. Mais celui-ci, transféré peu de jours après de Coutances à Saint-Lô et amené devant le préfet, fut reconnu par un des espions que la police entretenait à Jersey, le sieur Lelièvre, qui se trouvait en France en ce moment. Lorsque, sans être vu du prisonnier, Lelièvre le vit gravir le perron de la préfecture, il s’écria :

– C’est Chateaubriand. Comment l’a-t-on pris ?

Chateaubriand, interrogé par le préfet, persévéra dans sa version mensongère. Le préfet enregistra ses déclarations sans témoigner qu’il n’y croyait pas. Le malheureux pouvait donc se flatter encore de l’espoir d’être protégé par son incognito et bientôt relâché. Il ignorait que, par la plus cruelle fatalité, ses papiers, qu’il avait jetés à la mer au moment d’arriver à Bretteville, étaient venus à la côte, au nord de Carteret, et, trouvés intacts sous leur enveloppe toute mouillée, avaient été envoyés à Paris. Ils étaient accablants, ces papiers. Le rapport de Goyon sur les défenses de Brest, ceux du fils Boisé-Lucas sur l’état de Paris, sa correspondance, les lettres de l’abbé Sicard, celle de Laya, une autre de Chateaubriand à Henri de Larivière, à Londres, toute