Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/40

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ordres qu’il avait reçus. Mais ces cas sont l’exception. En fait, il prêta la main à la plupart des iniquités de ce temps. »

Napoléon ne s’est jamais fait illusion sur la sincérité du dévouement dont son ministre de la Police ne cessait de protester. Il savait que ce dévouement était subordonné à ses succès et n’eût pas tenu devant les revers. Pendant la campagne d’Espagne, Fouché, réconcilié pour la circonstance avec Talleyrand, intrigua contre le maître, dont il croyait la fortune épuisée. Toutefois, Talleyrand seul fut disgracié. Fouché conserva son emploi. Il s’était rendu trop nécessaire pour être révoqué à ce moment sans péril pour la sûreté de l’État.

C’est que, si personne n’a poussé plus loin que lui l’inconscience, l’absence de tout scrupule, de tout sens moral, personne aussi ne l’a égalé dans l’art de développer les ressources de la police et d’en user pour la défense de l’État. Il dirigea longtemps ce grand service une première fois sous le Directoire et jusqu’en 1802, une seconde fois de 1804 à 1811. Quand il en sortit, le général Savary, duc de Rovigo, le remplaça. Rovigo n’avait ni son génie d’intrigue ni ses moyens. Mais c’était l’homme-lige de l’Empereur, son âme damnée, toujours prêt à tout pour le servir. Sa présence au ministère n’en changea ni les allures ni l’esprit.

« Surveillez tout le monde excepté moi », lui avait dit l’Empereur en lui apprenant qu’il avait fait choix de lui.

À cette époque, la France, au point de vue police, était divisée en deux arrondissements placés, le premier sous l’autorité de Réal, le second sous celle de Pelet de la Lozère, conseillers d’État l’un et l’autre et subordonnés au ministre. Le royaume d’Italie formait un troisième arrondissement dont la direction était confiée au maître des requêtes, Anglès.