Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/41

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Mais, de ces trois hommes, il n’en est qu’un qui compte : c’est Réal, l’ancien terroriste devenu comte Réal par la grâce de Napoléon. Les deux autres sont des fonctionnaires hiérarchisés, doux et modestes, répugnant aux violences. Réal, au contraire, appartient à l’école de Fouché, dont il a longtemps partagé les idées, dont il pratique les procédés. Il voit des complots partout. Pour les déjouer ou les châtier, il ne recule devant aucune ruse ni devant aucune rigueur. Malheur à qui tombe sous sa main. Les lettres qu’il a signées et qu’on peut compter par centaines au dépôt des Archives nationales révèlent un homme terrible, en dépit de la jovialité naturelle que signalent en sa personne ses contemporains.

Il est néanmoins remarquable que tous n’ont pas gardé de lui un défavorable souvenir. Le chancelier Pasquier, qui siégeait à ses côtés au Conseil d’État, nous dit « qu’il était bon camarade ». Il raconte encore comment Réal, à sa requête, tira du péril de mort Berthier de Sauvigny, un de ses parents, dont on avait découvert la complicité dans une intrigue royaliste. Il est cependant obligé de reconnaître que l’arrondissement de police dirigé par Réal présentait plus que les autres d’affligeantes scènes de violences et de sévérités. Il est vrai que cet arrondissement comprenait la Bretagne et la Normandie, ce vieux théâtre des guerres civiles, repaire des anciens chouans, refuge des réfractaires et des déserteurs.

À Paris, l’autorité ministérielle est fréquemment déléguée au préfet de police ; dans les départements, elle est exercée tantôt par les préfets, tantôt et plus souvent par des commissaires généraux de police. Le comte Chaptal fait remarquer avec raison que ces commissaires généraux, choisis par Fouché, sont en général des jeunes hommes sans expérience, sans éducation. Ils