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Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/20

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« Il faut qu’il soit très riche, ce M. Jansoulet, dit-il froidement. Il commandite le théâtre de Cardailhac. Monpavon lui fait payer ses dettes, Bois-Landry lui monte une écurie, le vieux Schwalbach une galerie de tableaux… C’est de l’argent, tout cela. »

Jenkins se mit à rire :

« Que voulez-vous, mon cher duc, vous le préoccupez beaucoup, ce pauvre Nabab. Arrivant ici avec la ferme volonté de devenir Parisien, homme du monde, il vous a pris pour modèle en tout, et je ne vous cache pas qu’il voudrait bien étudier son modèle de plus près.

— Je sais, je sais… Monpavon m’a déjà demandé de me l’amener… Mais je veux attendre, je veux voir… Avec ces grandes fortunes, qui viennent de si loin, il faut se garder… Mon Dieu, je ne dis pas… Si je le rencontrais ailleurs que chez moi, au théâtre dans un salon…

— Justement madame Jenkins compte donner une petite fête le mois prochain. Si vous vouliez nous faire l’honneur…

— J’irai très volontiers chez vous, mon cher docteur, et dans le cas où votre Nabab serait là, je ne m’opposerais pas à ce qu’il me fût présenté. »

À ce moment l’huissier de service entrouvrit la porte.

« M. le ministre de l’Intérieur est dans le salon bleu… Il n’a qu’un mot à dire à Son Excellence… M. le préfet de police attend toujours en bas, dans la galerie.

— C’est bien, dit le duc, j’y vais… Mais je voudrais en finir avant avec ce costume. Voyons, père chose, qu’est-ce que nous décidons pour ces ruches ? À revoir docteur… Rien à faire, n’est-ce pas, que continuer les perles ?

— Continuer les perles », dit Jenkins en saluant, et il