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Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/245

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planter sur cette île d’Ithaque, au sol dur, dans les porte-monnaie flasques et vides de tous ces malheureux curés de village, petits-bourgeois, petits nobles, dont il a croqué les maigres épargnes en faisant luire à leurs yeux de chimériques combinazione. Vraiment, pour qu’il ait osé reparaître ici, il faut son aplomb phénoménal et aussi les ressources dont il dispose maintenant pour couper court aux réclamations.

« En définitive, qu’y a-t-il de vrai dans ces fabuleux travaux, entrepris par la Caisse territoriale ?

« Rien.

« Des mines qui n’affleurent pas, qui n’affleureront jamais, puisqu’elles n’existent que sur le papier ; des carrières, qui ne connaissent encore ni le pic ni la poudre, des landes incultes et sablonneuses, qu’on arpente d’un geste en vous disant : « Nous commençons là… et nous allons jusque là-bas, au diable. » De même, pour les forêts, tout un côté boisé du Monte-Rotondo, qui nous appartient, paraît-il, mais où les coupes sont impraticables, à moins que des aéronautes y fassent l’office de bûcherons. De même, pour les stations balnéaires, parmi lesquelles ce misérable hameau de Pozzonegro est une des plus importantes, avec sa fontaine dont Paganetti célèbre les étonnantes propriétés ferrugineuses. De paquebots, pas l’ombre. Si, une vieille tour génoise, à demi minée, au bord du golfe d’Ajaccio, portant au-dessus de l’entrée hermétiquement close cette inscription sur un panonceau dédoré : « Agence Paganetti. Compagnie maritime. Bureau de renseignements. » Ce sont de gros lézards gris qui tiennent le bureau, en compagnie d’une chouette. Quant aux chemins de fer, je voyais tous ces braves Corses auxquels j’en parlais, sourire d’un air malin, répondre par des