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Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/338

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le printemps s’en mêle, quand un soleil de mai l’éclaire comme ce matin, qu’il peut s’habiller de couleurs heureuses, pour le coup le dimanche est la fête des fêtes.

Si on veut bien le connaître, il faut le voir surtout aux quartiers laborieux, dans ces rues sombres qu’il illumine, qu’il élargit en fermant les boutiques, en remisant les gros camions de transport, laissant la place libre pour des rondes d’enfants débarbouillés et parés, et des parties de volants mêlées aux grands circuits des hirondelles sous quelque porche du vieux Paris. Il faut le voir aux faubourgs grouillants, enfiévrés, où dès le matin on le sent planer, reposant et doux, dans le silence des fabriques, passer avec le bruit des cloches et ce coup de sifflet aigu des chemins de fer qui met dans l’horizon, tout autour des banlieues, comme un immense chant de départ et de délivrance. Alors on le comprend et on l’aime.

Dimanche de Paris, dimanche des travailleurs et des humbles, je t’ai souvent maudit sans raison, j’ai versé des flots d’encre injurieuses sur tes joies bruyantes et débordantes, la poussière des gares pleines de ton bruit et les omnibus affolés que tu prends d’assaut, sur tes chansons de guinguette promenées dans des tapissières pavoisées de robes vertes et roses, tes orgues de Barbarie aux mélopées traînant sous le balcon des cours désertes ; mais aujourd’hui, abjurant mes erreurs, je t’exalte et je te bénis pour tout ce que tu donnes de joie, de soulagement au labeur courageux et honnête, pour le rire des enfants qui t’acclament, la fierté des mères heureuses d’habiller leurs petits en ton honneur, pour la dignité que tu conserves aux logis des plus pauvres, la nippe glorieuse mise de côté pour toi au fond de la vieille commode éclopée ; je te bénis surtout à