Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/472

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« Qui est là ? »

Quelque chose lui répond, comme un rire étouffé ou un sanglot. Il croit que ce sont ses petites voisines, une invention des « enfants » pour s’amuser. Il s’approche. Deux mains, deux bras, le serrent, l’enlacent.

« C’est moi… »

Et d’une voix fiévreuse, qui se hâte pour s’assurer, elle lui raconte qu’elle part pour un voyage assez long et qu’avant de partir…

« Un voyage… Et où donc vas-tu ?

— Oh ! je ne sais pas… Nous allons là-bas, très loin, pour des affaires qu’il a dans son pays.

— Comment ! tu ne seras pas là, pour ma pièce ?… C’est dans trois jours… Et puis, tout de suite après, le mariage… Voyons, il ne peut pas t’empêcher d’assister à mon mariage. »

Elle s’excuse, imagine des raisons, mais ses mains brûlantes dans celles de son fils, sa voix toute changée, font comprendre à André qu’elle ne dit pas la vérité. Il veut allumer, elle l’en empêche :

« Non, non, c’est inutile. On est mieux ainsi… D’ailleurs, j’ai tant de préparatifs encore ; il faut que je m’en aille. »

Ils sont debout tous deux, prêts pour la séparation mais André ne la laissera pas partir sans lui faire avouer ce qu’elle a, quel souci tragique creuse ce beau visage où les yeux, — est-ce un effet du crépuscule ? — reluisent d’un éclat farouche.

« Rien… non, rien ; je t’assure… Seulement l’idée de ne pouvoir prendre ma part de tes bonheurs, de tes triomphes… Enfin, tu sais que je t’aime, tu ne doutes pas de ta mère, n’est-ce pas ? Je ne suis jamais restée un jour sans penser à toi… Fais-en autant, garde-moi ton