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XXV
la première révolte

« En scène pour le premier acte ! »

Ce cri du régisseur debout, les mains en porte-voix, au bas de l’escalier des artistes, s’engouffre dans sa haute cage, monte, roule, se perd au fond des couloirs pleins d’un bruit de portes battantes, de pas précipités, d’appels désespérés au coiffeur, aux habilleuses, tandis qu’apparaissent successivement aux paliers des différents étages lents et majestueux, la tête immobile, de peur de déranger le moindre détail de leur accoutrement, tous les personnages du premier acte de Révolte, costumes de bal élégants et modernes, avec des craquements de souliers neufs, le frôlement soyeux des traînes, le cliquetis des bracelets riches remontés par le gant qu’on boutonne. Tout ce monde-là paraît ému, nerveux, pâle sous le fard, et dans les satins savamment préparés des épaules arrosées de céruse, des frissons passent en moires d’ombres. On parle peu, la bouche sèche. Les plus rassurés en affectant de sourire ont dans les yeux, dans la voix, l’hésitation de la pensée absente, cette appréhension de la bataille aux feux de la rampe, qui