inouïs de cruauté. En parlant de lui, on ne disait plus que « le bourreau ».
Quand le jeune Boucoyran s’ennuya de rester au lit, ses parents l’installèrent sur une chaise longue, au plus bel endroit de leur salon, et pendant huit jours, ce fut à travers ce salon une procession interminable. L’intéressante victime était l’objet de toutes les attentions.
Vingt fois de suite, on lui faisait raconter son histoire, et à chaque fois, le misérable inventait quelque nouveau détail. Les mères frémissaient ; les vieilles demoiselles l’appelaient « pauvre ange ! » et lui glissaient des bonbons. Le journal de l’opposition profita de l’aventure et fulmina contre le collège un article au profit d’un établissement religieux des environs…
Le principal était furieux ; et, s’il ne me renvoya pas, je ne le dus qu’à la protection du recteur… Hélas ! il eût mieux valu pour moi être renvoyé tout de suite. Ma vie dans le collège était devenue impossible. Les enfants ne m’écoutaient plus ; au moindre mot, ils me menaçaient de faire comme Boucoyran, d’aller se plaindre à leur père. Je finis par ne plus m’occuper d’eux.
Au milieu de tout cela, j’avais une idée fixe : me venger des Boucoyran. Je revoyais toujours la figure impertinente du vieux marquis, et mes oreilles étaient restées rouges de la menace qui leur avait été faite, D’ailleurs eussé-je voulu oublier ces affronts, je n’aurais pas pu y parvenir ; deux