Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même temps. Toute ma vie de ces derniers mois, le punch, le billard, le café Barbette, me faisaient l’effet d’un mauvais rêve, et je pensais : « Allons ! c’est fini. Maintenant je vais travailler, je vais être courageux comme Jacques. »

À ce moment, la cloche sonna. Mes élèves se mirent en rang, ils causaient beaucoup du sous-préfet et se montraient, en passant, sa voiture stationnant devant la porte. Je les remis entre les mains des professeurs ; puis, une fois débarrassé d’eux, je m’élançai en courant dans l’escalier. Il me tardait tant d’être seul dans ma chambre avec la lettre de mon frère Jacques.

À moitié chemin, j’aperçus le portier qui descendait à ma rencontre, tout essoufflé.

— Monsieur Daniel, me dit-il, on vous attend chez le principal.

Chez le principal ?… Que pouvait avoir à me dire le principal ?… Le portier me regardait avec un drôle d’air. Tout à coup, l’idée du sous-préfet me revint.

— Est-ce que M. le sous-préfet est là-haut ? demandai-je.

Et le cœur palpitant d’espoir je me mis à gravir les degrés de l’escalier quatre à quatre.

Il y a des jours où l’on est comme fou. En apprenant que le sous-préfet m’attendait, savez-vous ce que j’imaginai ? Je m’imaginai qu’il avait remarqué ma bonne mine à la distribution, et qu’il venait au collège tout exprès pour m’offrir d’être