livre de comptes du café Barbette. Le moyen de se procurer tout cet argent !
— Bah ! me dis-je en y songeant, je me trouve bien naïf de m’inquiéter pour si peu ; Roger n’est-il pas là ? Roger est riche, il donne des leçons en ville, et il sera trop heureux de me procurer quelque cents francs à moi qui viens de lui sauver la vie.
Mes affaires ainsi réglées, j’oubliai toutes les catastrophes de la journée pour ne songer qu’à mon grand voyage de Paris. J’étais très joyeux, je ne tenais plus en place, et M. Viot, qui descendit à l’étude pour savourer mon désespoir, eut l’air fort déçu en voyant ma mine réjouie. À dîner, je mangeai vite et bien ; dans la cour, je pardonnai les arrêts des élèves. Enfin l’heure de la classe sonna.
Le plus pressant était de voir Roger ; d’un bond, je fus à sa chambre ; personne à sa chambre. « Bon ! me dis-je en moi-même, il sera allé faire un tour au café Barbette », et cela ne m’étonna pas dans des circonstances aussi dramatiques.
Au café Barbette, personne encore : « Roger, me dit-on, était allé à la Prairie avec les sous-officiers. » Que diable pouvaient-ils faire là-bas par un temps pareil ? Je commençais à être fort inquiet ; aussi, sans vouloir accepter une partie de billard qu’on m’offrait, je relevai le bas de mon pantalon et je m’élançai dans la neige, du côté de la Prairie, à la recherche de mon bon ami le maître d’armes.