Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/146

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balance au milieu ; la récréation finie, suivez-le encore jusqu’à l’étude, montez avec lui dans sa chaire, et lisez par-dessus son épaule cette lettre douloureuse qu’il est en train d’écrire au milieu du vacarme et des enfants ameutés :

Monsieur Jacques Eyssette, rue Bonaparte,
à Paris.

« Pardonne-moi, mon bien-aimé Jacques, la douleur que je viens te causer. Toi qui ne pleurais plus, je vais te faire pleurer encore une fois ; ce sera la dernière par exemple… Quand tu recevras cette lettre, ton pauvre Daniel sera mort… »

Ici, le vacarme de l’étude redouble ; le petit Chose s’interrompt et distribue quelques punitions de droite et de gauche, mais gravement, sans colère. Puis il continue :

« Vois-tu Jacques, j’étais trop malheureux. Je ne pouvais pas faire autrement que de me tuer. Mon avenir est perdu : on m’a chassé du collège : — c’est pour une histoire de femme, des choses trop longues à te raconter ; puis, j’ai fait des dettes, je ne sais plus travailler, j’ai honte, je m’ennuie, j’ai le dégoût, la vie me fait peur… J’aime mieux m’en aller… »

Le petit Chose est obligé de s’interrompre encore : « Cinq cents vers à l’élève Soubeyrol ! Fouque et