M. Eyssette reprend :
— Oh ! tu as beau lui dire de ne pas la casser, il la cassera tout de même.
Ici, la voix éplorée de Jacques :
— Mais enfin, pourquoi voulez-vous que je la casse ?
— Je ne veux pas que tu la casses, je te dis que tu la casseras, répond M. Eyssette, et d’un ton qui n’admet pas de réplique.
Jacques ne réplique pas ; il prend la cruche d’une main fiévreuse et sort brusquement avec l’air de dire :
— Ah ! je la casserai ? Eh bien, nous allons voir.
Cinq minutes, dix minutes se passent ; Jacques ne revient pas. Madame Eyssette commence à se tourmenter :
— Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé !
— Parbleu ! que veux-tu qu’il lui soit arrivé ? dit M. Eyssette d’un ton bourru. Il a cassé la cruche et n’ose plus rentrer.
Mais tout en disant cela — avec son air bourru, c’était le meilleur homme du monde, — il se lève et va ouvrir la porte pour voir un peu ce que Jacques était devenu. Il n’a pas loin à aller ; Jacques est debout sur le palier, devant la porte, les mains vides, silencieux, pétrifié. En voyant M. Eyssette, il pâlit, et d’une voix navrante et faible, oh ! si faible : « Je l’ai cassée », dit-il… Il l’avait cassée !…
Dans les archives de la maison Eyssette, nous appelons cela « la scène de la cruche ».
Il y avait environ deux mois que nous étions à