Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/28

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Lyon, lorsque nos parents songèrent à nos études. Mon père aurait bien voulu nous mettre au collège, mais c’était trop cher. « Si nous les envoyions dans une manécanterie ? dit madame Eyssette ; il paraît que les enfants y sont bien. » Cette idée sourit à mon père, et comme Saint-Nizier était l’église la plus proche, on nous envoya à la manécanterie de Saint-Nizier.

C’était très amusant, la manécanterie ! Au lieu de nous bourrer la tête de grec et de latin comme dans les autres institutions, on nous apprenait à servir la messe du grand et du petit côté, à chanter les antiennes, à faire des génuflexions, à encenser élégamment, ce qui est très difficile. Il y avait bien par-ci par-là, quelques heures dans le jour consacrées aux déclinaisons et à l’Epitome mais ceci n’était qu’accessoire. Avant tout, nous étions là pour le service de l’église. Au moins une fois par semaine, l’abbé Micou nous disait entre deux prises et d’un air solennel : « Demain, messieurs, pas de classe du matin ! Nous sommes d’enterrement. »

Nous étions d’enterrement. Quel bonheur ! Puis c’étaient des baptêmes, des mariages, une visite de Monseigneur, le viatique qu’on portait à un malade. Oh ! le viatique ! comme on était fier quand on pouvait l’accompagner !… Sous un petit dais de velours rouge, marchait le prêtre, portant l’hostie et les saintes huiles. Deux enfants de chœur soutenaient le dais, deux autres l’escortaient avec de gros falots dorés. Un cinquième marchait devant, en agitant une crécelle. D’ordinaire, c’étaient