Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/289

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revu Irma Borel ni entendu parler de Gustave Planche.

Qu’y a-t-il de vrai dans tout cela ?… Une dernière lettre, écrite par le petit Chose en une nuit de fièvre et de tempête, va nous l’apprendre.

« Monsieur Jacques Eyssette, à Pise
« Dimanche soir, 10 heures.

« Jacques, je t’ai menti. Depuis deux mois je ne fais que te mentir. Je t’écris que je travaille, et depuis deux mois mon écritoire est à sec. Je t’écris que la vente de mon livre va bien, et depuis deux mois on n’en a pas vendu un exemplaire. Je t’écris que je ne revois plus Irma Borel, et depuis deux mois je ne l’ai pas quittée. Quant aux yeux noirs, hélas !… Ô Jacques, Jacques, pourquoi ne t’ai-je pas écouté ? Pourquoi suis-je retourné chez cette femme ?

« Tu avais raison, c’est une aventurière, rien de plus. D’abord, je la croyais intelligente. Ce n’est pas vrai, tout ce qu’elle dit lui vient de quelqu’un. Elle n’a pas de cervelle, pas d’entrailles. Elle est fourbe, elle est cynique, elle est méchante. Dans ses accès de colère, je l’ai vue rouer sa négresse de coups de cravache, la jeter par terre, la trépigner ; avec cela une femme forte, qui ne croit ni à Dieu ni au diable, mais qui accepte aveuglément les prédictions des somnambules et du marc de café. Quant