Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/303

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rez que je retourne là-bas, de huit à dix, et que les choses restent comme elles sont… »

« À cela je répondis un peu moins froidement : « Je ne préfère rien… Je trouve très honorable à vous de vouloir gagner votre vie et ne plus la devoir aux générosités d’un monsieur de huit à dix… Je vous répète seulement que je ne me sens pas la moindre vocation théâtrale, et que je ne serai pas un comédien. »

« À ce coup elle éclata.

« — Ah ! tu ne veux pas être comédien… Qu’est-ce que tu seras donc alors ?… Te croirais-tu poète, par hasard ? Il se croit poëte !… Mais tu n’as rien de ce qu’il faut, pauvre fou !… Je vous demande, parce que ça vous a fait imprimer un méchant livre dont personne ne veut, ça se croit poète… Mais, malheureux, ton livre est idiot, tous me le disent bien… Depuis deux mois qu’il est en vente, on n’en a vendu qu’un exemplaire, et c’est le mien… Toi, poëte, allons donc ! Il n’y a que ton frère pour croire à une niaiserie pareille. Encore un joli naïf, celui-là !… et qui t’écrit de bonnes lettres,.. il est à mourir de rire avec son article de Gustave Planche… En attendant, il se tue pour te faire vivre ; et toi, pendant ce temps-là, tu… tu… au fait, qu’est-ce que tu fais ? Le sais-tu seulement ?… Parce que ta tête a un certain caractère, cela te suffit ; tu t’habilles en Turc, et tu crois que tout est là !… D’abord, je te préviens que depuis quelque temps