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Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/189

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LE PORTEFEUILLE DE BIXIOU.

vieux baron T… de la Tombola s’en allant faire « gna… gna… gna… » aux Tuileries avec sa sébile et son habit barbeau ; puis nos morts de l’année, les enterrements à réclames, l’oraison funèbre de monsieur le délégué toujours la même : « Cher et regretté ! pauvre cher ! » à un malheureux dont on refuse de payer la tombe ; et ceux qui se sont suicidés, et ceux qui sont devenus fous ; figurez-vous tout cela, raconté, détaillé, gesticulé par un grimacier de génie, vous aurez alors une idée de ce que fut l’improvisation de Bixiou.




Son toast fini, son verre bu, il me demanda l’heure et s’en alla, d’un air farouche, sans me dire adieu… J’ignore comment les huissiers de M. Duruy se trouvèrent de sa visite ce matin-là ; mais je sais bien que jamais de ma vie je ne me suis senti si triste, si mal en train qu’après le départ de ce terrible aveugle. Mon encrier m’écœurait, ma plume