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Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/26

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LETTRES DE MON MOULIN.


La discussion était finie ; mais le boulanger, mis en train, avait besoin de dépenser le restant de sa verve, et, se tournant vers la malheureuse casquette, silencieuse et triste dans son coin, il lui dit d’un air goguenard :

— Et ta femme, à toi, rémouleur ?… Pour quelle paroisse tient-elle ?

Il faut croire qu’il y avait dans cette phrase une intention très comique, car l’impériale tout entière partit d’un gros éclat de rire… Le rémouleur ne riait pas, lui. Il n’avait pas l’air d’entendre. Voyant cela, le boulanger se tourna de mon côté :

— Vous ne la connaissez pas sa femme, monsieur ? une drôle de paroissienne, allez ! Il n’y en a pas deux comme elle dans Beaucaire.

Les rires redoublèrent. Le rémouleur ne bougea pas ; il se contenta de dire tout bas, sans lever la tête :

— Tais-toi, boulanger.

Mais ce diable de boulanger n’avait pas envie de se taire, et il reprit de plus belle :