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LETTRES DE MON MOULIN.

rant. Elle eut comme un pressentiment :

— Jan, c’est toi ?

Jan ne répond pas ; il est déjà dans l’escalier.

Vite, vite la mère se lève :

— Jan, où vas-tu ?

Il monte au grenier ; elle monte derrière lui :

— Mon fils, au nom du ciel !

Il ferme la porte et tire le verrou.

— Jan, mon Janet, réponds-moi. Que vas-tu faire ?

À tâtons, de ses vieilles mains qui tremblent, elle cherche le loquet… Une fenêtre qui s’ouvre, le bruit d’un corps sur les dalles de la cour, et c’est tout…

Il s’était dit, le pauvre enfant : « Je l’aime trop… Je m’en vais… » Ah ! misérables cœurs que nous sommes ! C’est un peu fort pourtant que le mépris ne puisse pas tuer l’amour !…

Ce matin-là, les gens du village se demandèrent qui pouvait crier ainsi, là-bas, du côté du mas d’Estève…