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LETTRES DE MON MOULIN.

joyeusement à la ville, suivi de tout son chapitre ; et, lorsqu’il passait sur le pont d’Avignon, au milieu des tambours et des farandoles, sa mule, mise en train par la musique, prenait un petit amble sautillant, tandis que lui-même il marquait le pas de la danse avec sa barrette, ce qui scandalisait fort ses cardinaux, mais faisait dire à tout le peuple : « Ah ! le bon prince ! Ah ! le brave pape ! »




Après sa vigne de Château-Neuf, ce que le pape aimait le plus au monde, c’était sa mule. Le bonhomme en raffolait de cette bête-là. Tous les soirs avant de se coucher il allait voir si son écurie était bien fermée, si rien ne manquait dans sa mangeoire, et jamais il ne se serait levé de table sans faire préparer sous ses yeux un grand bol de vin à la française, avec beaucoup de sucre et d’aromates, qu’il allait lui porter lui-même, malgré les observations de ses cardinaux… Il faut dire aussi que la bête en valait la