Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LETTRES DE MON MOULIN.

car le drôle avait depuis longtemps son idée sur la mule du Pape, et vous allez voir que c’était quelque chose de malin… Un jour que Sa Sainteté se promenait toute seule sous les remparts avec sa bête, voilà mon Tistet qui l’aborde, et lui dit en joignant les mains, d’un air d’admiration :

— Ah mon Dieu ! grand Saint-Père, quelle brave mule vous avez là !… Laissez un peu que je la regarde… Ah ! mon Pape, la belle mule !… L’empereur d’Allemagne n’en a pas une pareille.

Et il la caressait, et il lui parlait doucement comme à une demoiselle :

— Venez çà, mon bijou, mon trésor, ma perle fine…

Et le bon Pape, tout ému, se disait dans lui-même :

— Quel bon petit garçonnet !… Comme il est gentil avec ma mule !

Et puis le lendemain savez-vous ce qui arriva ? Tistet Védène troqua sa vieille jaquette jaune contre une belle aube en dentelles, un camail de soie violette, des souliers