Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/147

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its théâtres. Ministre, Numa ne l’était plus, mais Vincent le vannier poursuivant l’imprenable Magali dans ses transformations coquettes. Et comme elle fuyait bien, comme elle se dérobait avec sa malice enfantine, l’éclat perlé de son rire aux dents aiguës, jusqu’au moment où vaincue elle s’abandonnait, sa petite tête folle tout étourdie de la course, sur l’épaule de son ami !…

Ce fut la maman Bachellery qui rompit le charme en se retournant, sitôt le morceau fini :

— Quelle voix, monsieur le ministre, quelle voix !

— Oui… j’ai chanté dans ma jeunesse…… dit-il avec une certaine fatuité.

— Mais vous chantez encore maguenifiquement… Hein, Bébé, quelle différence avec M. de Lappara ?

Bébé, qui roulait son morceau, haussa légèrement les épaules comme si une vérité aussi indiscutable ne méritait pas d’autre réponse. Roumestan demanda, un peu inquiet :

— Ah ! M. de Lappara… ?

— Oui, il vient quelquefois manger la bouillabaisse ; puis, après dîner, Bébé et lui chantent leur duo.

À ce moment, l’huissier, n’entendant plus de musique, se décida à rentrer, avec des précautions de dompteur dans la cage d’un fauve.

— J’y vais… j’y vais… dit Roumestan, et s’adressant à la fillette, de son air le plus ministre, pour bien lui faire sentir la distance hiérarchique qui le séparait de son attaché :

— Je vous fais mon compliment, made