Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/253

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quelques jours à un grand café-concert du Boulevard, « un eskating, allons ! » où il doit figurer dans des tableaux vivants, à deux cents francs par soir.

— Deux cents francs par soir.

Le pilote roule des yeux…

— Et en plus, ma biographille qu’on criera dans les rues et mon portrait de sa grandeur nature sur tous les murs de Paris, avé le costume de troubadour de l’ancien temps que je mettrai le soir pour faire ma musique.

C’est cela surtout qui le flatte, le costume. Quel dommage qu’il n’ait pas pu mettre sa casquette à créneaux et ses souliers à la poulaine, pour venir montrer au ministre l’engagement superbe, sur du bon papier cette fois, que l’on a signé sans lui. Cabantous regarde la feuille timbrée, noircie sur ses deux faces, et soupire :

— Tu es bien heureux… Moi, voilà plus d’un an que j’espère après ma médaille… Numa m’avait dit d’y envoyer mes papiers, j’y ai envoyé mes papiers… Puis j’ai plus entendu parler de la médaille, ni des papiers, ni de rien du tout… J’ai écrit à la marine, ils connaissent pas, à la marine… J’ai écrit au ministre, le ministre m’a pas répondu… Et le plus foutant, c’est qu’à présent, sans mes papiers, quand j’ai une discussion avec les capitaines marins pour le pilotage, les prud’hommes ils veulent pas écouter mes raisons. Alors, voyant ça, j’ai mis la barque à la calanque, et je me suis pensé : allons voir Numa.

Il en pleurerait presque, le malheureux pilote.

Valmajour le console, le rassure, promet de parler