Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/264

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Pour lui donner du cœur… D’abord qu’est-ce que vous risquez ? C’est moi que je viens vous prendre… C’est moi que je vous ramène.

La voyant hésiter encore, elle ajouta, presque haut, sur un diapason de menace :

— Ah çà, est-ce que vous êtes sa promise, oui ou non ?

— Je viendrai… Je viendrai… dit la jeune fille épouvantée.

Quand elle rentra, Rosalie, qui la voyait distraite et triste, lui demanda :

— À quoi songes-tu, ma chérie ?… C’est toujours ton roman qui continue ?… Il doit être bien avancé depuis le temps ! ajouta-t-elle gaiement en lui prenant la taille.

— Oh ! oui, très avancé…

Avec une sourde intonation de mélancolie, Hortense reprit, après un silence :

— Mais c’est ma fin que je ne vois pas.

Elle ne l’aimait plus ; peut-être même ne l’avait-elle jamais aimé. Transformé par l’absence et ce « doux éclat » que le malheur donnait à l’Abencerage, il lui était apparu de loin comme l’homme de sa destinée. Elle avait trouvé fier d’engager son existence à celui que tout abandonnait, le succès et les protections. Mais au retour, quelle clarté impitoyable, quelle terreur de voir combien elle s’était trompée.

La première visite d’Audiberte la choqua d’abord par des façons nouvelles, trop libres, trop familières, et les regards complices avec lesquels elle l’avertissait