Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/304

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Oh ! ces laines brillantes, ce canevas régulier et incolore, que de confidences ils reçoivent ; que de regrets, de joies. de désirs, forment l’envers compliqué, noué, plein de fils rompus, de ces ouvrages féminins aux fleurs paisiblement entrelacées.

Numa Roumestan, en arrivant de la Chambre, trouva sa femme tirant l’aiguille sous l’étroite clarté d’une seule lampe allumée ; et ce tableau tranquille, ce beau profil adouci de cheveux châtains, dans l’ombre luxueuse des teintures ouatées, où les paravents de laque, les vieux cuivres, les ivoires, les faïences, accrochaient les lueurs promeneuses et tièdes d’un feu de bois, le saisit par le contraste du brouhaha de l’Assemblée, des plafonds lumineux enveloppés d’une poussière trouble flottant au-dessus des débats comme le nuage de poudre dégagé d’un champ de manœuvre.

« Bonjour, maman… Il fait bon chez toi… »

La séance avait été chaude. Toujours cet affreux budget, la gauche pendue pendant cinq heures aux basques de ce pauvre général d’Espaillon qui ne savait pas coudre deux idées de suite, quand il ne disait pas s… n… d… D… Enfin, le cabinet s’en tirait encore cette fois ; mais c’est après les vacances du jour de l’an, quand on en serait aux Beaux-Arts, qu’il faudrait voir ça.

« Ils comptent beaucoup sur l’affaire Cadaillac pour me basculer… C’est Rougeot qui parlera… Pas commode, ce Rougeot… Il a de l’estomac ! …

Puis avec son coup d’épaule :

« Rougeot contre Roumestan… Le Nord contre le