Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/56

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chinoises, ne se confesse qu’en temps de choléra, mais se ferait pendre ou martyriser pour cette foi non ressentie, qui ne modère en rien ni ses passions ni ses vices.

En se mariant, il savait que sa femme était du même culte que lui, que le curé de Saint-Paul avait eu pour eux des éloges en rapport avec les cierges, les tapis, les étalages de fleurs d’un mariage de première classe. Il n’en demanda pas plus long. Toutes les femmes qu’il connaissait, sa mère, ses cousines, la tante Portal, la duchesse de San-Donnino, étaient des catholiques ferventes. Aussi fut-il très surpris, après quelques mois de mariage, de voir que Rosalie ne pratiquait pas. Il lui en fit l’observation :

— Vous n’allez donc jamais à confesse ?

— Non, mon ami, dit-elle, sans s’émouvoir… ni vous non plus, à ce que je vois.

— Oh ! moi, ce n’est pas la même chose.

— Pourquoi ?

Elle le regardait avec des yeux si sincèrement, si lumineusement étonnés ; elle avait si peu l’air de se douter de son infériorité de femme ! Il ne trouva rien à répondre, et la laissa s’expliquer. Oh ! ce n’était pas une libre-penseuse, un esprit fort. Élevée dans un excellent pensionnat de Paris, un prêtre de Saint-Laurent pour aumônier, jusqu’à dix-sept ans, jusqu’à sa sortie de pension, et même à la maison pendant quelques mois encore, elle avait continué ses pratiques religieuses à côté de sa mère, une dévote du Midi ; puis un jour, quelque chose s’était brisé en elle, elle avait déclaré à ses parents