Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/57

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la répulsion insurmontable que lui causait le confessionnal. La mère eût essayé de vaincre ce qu’elle croyait un caprice ; mais M. Le Quesnoy s’était interposé.

« Laissez, laissez… Cela m’a pris comme elle, au même âge qu’elle. »

Et dès lors elle n’avait plus eu à prendre avis et direction que de sa jeune conscience. Parisienne d’ailleurs, femme du monde, ayant horreur des indépendances de mauvais goût ; si Numa tenait à aller à l’église, elle l’accompagnerait comme elle avait accompagné sa mère bien longtemps, sans toutefois consentir au mensonge, à la grimace de croyances qu’elle n’avait plus.

Il l’écoutait plein de stupeur, épouvanté d’entendre de telles choses, dites par elle et avec une énergique affirmation de son être moral qui déroutait toutes les idées du Méridional sur la dépendance féminine.

« Tu ne crois donc pas en Dieu ? fit-il de son plus beau creux d’avocat, le doigt levé solennellement vers les moulures du plafond. Elle eut un cri : « Est-ce que c’est possible ? » si spontané, si sincère, qu’il valait un acte de foi. Alors il se rejeta sur le monde, les convenances sociales, la solidarité de l’idée religieuse et monarchique. Toutes ces dames pratiquaient, la duchesse, madame d’Escarbès ; elles recevaient leur confesseur à leur table en soirée. Cela ferait un effet déplorable si l’on savait… Il s’arrêta, comprenant qu’il pataugeait, et la discussion en resta là. Deux ou trois dimanches de suite, il mit une grande affectation à