Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/89

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de luth ou de viole flottant dans la pureté de l’air ?

Et Numa s’exaltant, oubliant qu’il n’avait que sa belle-sœur et la lévite bleue de Ménicle pour auditoire, s’échappait, après quelques redites de banquets régionaux ou de séances académiques, dans une de ces improvisations ingénieuses et brillantes, qui faisaient bien de lui le descendant des légers trouvères provençaux.

« Voilà Valmajour ! » dit tout à coup le cocher de tante Portal, se penchant pour leur montrer la hauteur du bout de son fouet.

Ils avaient quitté le grand chemin et suivaient une montée en lacets aux flancs du mont de Cordoue, chemin étroit, glissant, à cause des touffes de lavande dont chaque tour de roue dégageait au passage le parfum brûlé. Sur un plateau, à mi-côte, au pied d’une tour ébréchée et noire, s’étageaient les toits de la ferme. C’est là que les Valmajour habitaient, de père en fils, depuis des années et des années, sur l’emplacement du vieux château dont le nom leur était resté. Et qui sait ? Peut-être ces paysans descendaient-ils des princes de Valmajour, alliés aux comtes de Provence et à la maison des Baux ? Cette supposition imprudemment émise par Roumestan fut tout à fait du goût d’Hortense, qui s’expliquait ainsi les façons vraiment nobles du tambourinaire.

Comme ils en causaient dans la voiture, Ménicle sur son siège les écoutait plein de stupéfaction. Ce nom de Valmajour était très répandu dans la contrée ; il y avait les Valmajour du haut et les Valmajour du bas, selon qu’ils habitaient le vallon ou la