Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/122

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d’un vert gras, d’un vert rhumatisme, entre lesquelles le steamer venait de s’engager.

Tous les regards étaient tournés vers le rivage le plus proche, une étroite bande de sable, large de quelques mètres seulement ; au-delà, des pentes raides toutes couvertes d’un écroulement de sombre verdure depuis les sommets jusqu’à la mer.

Quand l’écho des coups de canon eut cessé de gronder, un grand silence enveloppa de nouveau ces îles d’aspect sinistre. Toujours personne : et le plus inexplicable encore, c’est qu’on ne voyait ni port, ni fort, ni ville, ni jetées, ni bassins de radoub…, rien !

Tartarin se tourna vers Scrapouchinat qui déjà donnait des ordres pour le mouillage :

« Êtes-vous bien sûr, capitaine ?… »

L’irascible long-cours répondait par une salve de jurons. S’il était sûr, coquin de sort !… il connaissait son métier peut-être, nom d’un tonnerre !… il savait conduire son navire !…

« Pascalon, allez me chercher la carte de l’île… » fit Tartarin, toujours très calme.

Il possédait heureusement une carte de la colonie, dressée à une très grande échelle, où étaient minutieusement détaillés caps,