Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/274

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lentement descendu dans la mer, laissait l’horizon noyé dans une buée violette.

Soudain des ombres s’approchèrent, et la voix du commodore, coupante, glaciale, rompit le charme :

« Il est tard, il fait trop frais pour vous, ma chère, il faut rentrer. »

Elle se leva, s’inclina légèrement :

« Bonne nuit, monsieur Tartarin ! »

Et il resta tout ému de la douceur qu’elle avait mise dans cette parole.

Pendant quelques instants encore il se promena sur le pont, entendant toujours ce « Bonne nuit, monsieur Tartarin ! » Mais le commodore avait raison, le soir fraîchissait rapidement, il prit le parti d’aller se coucher.

En passant devant le petit salon, il aperçut par la porte entrouverte Pascalon, assis à une table, la tête dans ses mains, très occupé à feuilleter un dictionnaire.

« Que faites-vous là, enfant ? »

Le fidèle secrétaire lui apprit le scandale causé par son brusque départ, les chuchotements indignés autour de la table et surtout une certaine phrase mystérieuse du lieutenant Shipp, que le commodore avait fait répéter et dont ils s’étaient tous tant égayés.