Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/278

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entassés comme un vil bétail, sous la garde d’une sentinelle, détournant leurs regards de lui avec horreur, surtout depuis le jour où il avait tiré sur la Tarasque.

Ils ne lui pardonnaient pas ce crime, et lui non plus ne l’oubliait pas, ce coup de fusil qui devait lui porter malheur.


On avait passé le détroit de Malacca, la mer Rouge, doublé la pointe de Sicile ; on approchait de Gibraltar.

Un matin, la terre étant signalée, Tartarin et Pascalon préparaient leurs malles, aidés par un des domestiques, quand tout à coup ils eurent la sensation de balancement que produit un navire à l’arrêt. Le Tomahawk stoppait ; en même temps, on entendait s’approcher un bruit de rames.

« Regardez donc, Pascalon, dit Tartarin, c’est peut-être le pilote… »

Le canot accostait en effet, mais ce n’était pas le pilote ; il portait le pavillon français, des matelots français le montaient ; et parmi eux deux hommes habillés de noir, en chapeaux hauts de forme. L’âme de Tartarin vibra.