Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout ce que je savais de l’affaire de Port-Tarascon et parler deux heures durant sans m’arrêter. Son greffier ne pouvait pas me suivre, tant j’allais. Puis, ni bonjour ni bonsoir : « Prévenu, vous pouvez vous retirer ».

Dans le corridor du palais de justice, trouvé mon pauvre Gouverneur que je n’avais pas revu depuis le jour de notre incarcération. Il m’a paru bien changé.

Au passage, il me serra la main et me fit de sa bonne voix :

« Courage ! enfant. La vérité est comme l’huile, elle remonte toujours dessus. »

Il n’a pas pu m’en dire plus, les gendarmes l’entraînaient brutalement.

Des gendarmes, pour lui !… Tartarin dans les fers, à Tarascon !… Et cette colère, cette haine de tout un peuple !…

Je les aurai toujours dans l’oreille ces cris de fureur de la populace, ce souffle chaud de rafataille, quand la voiture cellulaire nous a ramenés à la prison, cadenassés chacun dans notre compartiment.

Je ne pouvais rien voir, mais j’entendais autour de nous une grande rumeur de foule. À un moment, la voiture s’est arrêtée sur