Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/284

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la place du Marché ; j’ai reconnu cela à l’odeur qui me venait par les fentes, dans les petites raies de lumière blonde, et c’était comme l’haleine même de la ville, cette odeur de pommes d’amour, d’aubergines, de melons de Cavaillon, et de poivrons rouges et de gros oignons doux. De sentir toutes ces bonnes choses dont je suis privé depuis si longtemps, cela m’agourmandait.

Il y avait tant de monde que nos chevaux ne pouvaient plus avancer. Un Tarascon plein, bondé, à croire que jamais personne n’a été tué, ni noyé, ni dévoré par les anthropophages. Ne m’a-t-il pas semblé reconnaître la voix de Cambalalette, le cadastreur ! C’est une illusion, certainement, puisque Bézuquet lui-même en a mangé, de notre regretté Cambalalette. Par exemple, je suis sûr d’avoir entendu le gong d’Excourbaniès. Celui-là, il n’y a pas à s’y tromper, il dominait tous les autres cris « À l’eau !… Zou !… au Rhône ! au Rhône. Fen dé brut ! À l’eau Tartarin ! »

À l’eau Tartarin !… Quelle leçon d’histoire ! Quelle page pour le Mémorial !

J’oubliais de dire que le juge Bonaric m’a rendu mon registre saisi à bord du