Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/288

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surtout depuis que je lui avais fait l’aveu du Mémorial. « Écrivez ceci… N’oubliez pas de dire cela… » Et des anecdotes sur lui, sur ses parents souvent, pas très intéressantes.

Songez-vous que Las Cases a fait ce métier pendant des années ! L’Empereur le réveillait à six heures du matin, l’emmenait, à pied, à cheval, en voiture, et sitôt en route : « Vous y êtes, Las Cases ?… Alors continuons… Quand j’eus signé le traité de Campo-Formio… » Le pauvre confident avait ses affaires, lui aussi, son enfant malade, sa femme restée en France, mais qu’était cela pour l’autre qui ne songeait qu’à se raconter, à s’expliquer devant l’Europe, l’Univers, la Postérité, tous les jours, tous les soirs et pendant des années ! C’est-à-dire que la vraie victime de Sainte-Hélène n’a pas été Napoléon, mais Las Cases.

Moi, maintenant, ce supplice m’est épargné. Dieu m’est témoin que je n’ai rien fait pour cela, mais on nous a mis à part et j’en profite pour penser à moi, à mon infortune, qui est grande, à ma Clorinde bien-aimée.

Me croit-elle coupable ?… Elle, non ; mais sa famille, tous ces Espazettes de l’Escu-